LE ROMAN DE JEANNE ET NATHAN de Clément CAMAR-MERCIER

 

LE ROMAN DE JEANNE ET NATHAN

de Clément CAMAR-MERCIER

Aux Editions ACTES SUD_352 pages

Jeanne sait que des centaines de milliers d’amateurs de vidéos pornos jouissent de voir son corps livré à des étreintes brutales et à des plaisirs qu’elle feint résolument durant d’odieux tournages. Tout ce qu’exige son métier d’actrice, elle le subit en professionnelle et l’accomplit en toute liberté. Pour autant que la cocaïne la préserve d’en vomir l’abjection.
Loin d’elle – ils ne se connaissent pas encore –, Nathan donne quelques cours sur le cinéma américain, poursuit une improbable thèse, et se drogue jour après jour pour supporter l’inutilité de son existence. Or voici qu’advient leur rencontre, éblouissante, dans un jardin singulier, les plongeant dans la douceur de vivre. Pour toujours, assurément. Si toute la violence du monde d’avant ne vient pas les rattraper.
Tour à tour cru, onirique, romantique, tragique, "Le Roman de Jeanne et Nathan" déploie toute l’étendue des addictions par lesquelles notre époque travestit sa propre réalité, se sature de ses propres images, s’y projette, s’y observe, se nourrit d’illusions, perceptions, vibrations, sensations hors desquelles nul
enchantement ne viendrait plus nous satisfaire.
À moins que le ravissement de l’amour – le philtre éternellement magique de Tristan et Iseult – n’ensorcelle pour de bon, jusqu’à l’événement ultime, les héros de ce premier roman si audacieusement lucide.


Mon avis :


Clément Camar-Mercier nous déroule la vie parallèle de Jeanne et Nathan jusqu'à leur entrée à la Clinique Quito de Neuilly-sur-seine.

La centaine de pages qu'il faut à Jeanne et Nathan pour accepter d'abandonner la cocaïne et les drogues en tout genre qu'ils consomment sont une lente, dérangeante description crue de leur quotidien.

L'alcool et les drogues sont entrés dans leur vie depuis leurs quinze ans. Un refus d'un réel qui les dépasse et les empêchent d'être. Une actrice et un thésard en cinéma, deux jeunes gens fragiles qui se trouvent dans l'expérience douloureuse du sevrage. La Cocaïne est leur univers commun, l'amour en palliatif est-ce possible ?

De la rencontre d'un noir à la Pierre Soulages sans les nuances, pour eux pas de "noir-lumière" en ce début de récit, à toutes les nuances d'une nature retrouvée, idéalisée, partagée, Jeanne et Nathan vont s'aimer d'un amour absolu à la Tristan et Iseult. 

Ce roman présenté comme une fiction nous interroge sur la société et ses travers, sur l'Homo Sapiens et son évolution à l'entrée de ce XXIème siècle. Jeanne et Nathan sont les archétypes choisis pour décrire la vulnérabilité de la jeunesse, le mercantilisme, la solitude, la quête de sens. 

Une écriture incisive, descriptive, parfois proche de l'essai à la fiction noire d'un amour maudit, ce roman est une expérience qui ne laisse pas indemne. 





ON M'APPELLE DEMON COPPERHEAD de Barbara Kingsolver

 

ON M'APPELLE DEMON COPPERHEAD

Auteure : Barbara Kingsolber

Aux Editions ALBIN MICHEL

Né à même le sol d'un mobil-home au fin fond des Appalaches d'une jeune toxicomane et d'un père trop tôt disparu, Demon Copperhead est le digne héritier d'un célèbre personnage de Charles Dickens. De services sociaux défaillants en familles d'accueil véreuses, de tribunaux pour mineurs au cercle infernal de l'addiction, le garçon va être confronté aux pires épreuves et au mépris de la société à l'égard des plus démunis. Pourtant, à chacune des étapes de sa tragique épopée, c'est son instinct de survie qui triomphe. Demon saura-t-il devenir le héros de sa propre existence ?
Comment ne pas être attendri, secoué, bouleversé par la gouaille, lucide et désespérée, de ce David Copperfield des temps modernes ? S'il raconte sans fard une Amérique ravagée par les inégalités, l'ignorance, et les opioïdes - dont les premières victimes sont les enfants -, le roman de Barbara Kingsolver lui redonne toute son humanité. L'auteur de L'Arbre aux haricots et des Yeux dans les arbres signe là un de ses romans les plus forts, couronné par le prestigieux prix Pulitzer et le Women's prize for fiction.


Mon avis :

Ce qui frappe, c'est la tendresse de la plume et la rudesse du propos. Damon Fields se raconte au fil de 600 pages, que l'on ne voit pas défiler, pour devenir Demon Copperhead. 

S’il y a du Charles Dickens ou du John Steinbeck dans la trame du roman de Barbara Kingsolver, l’existence de Demon dévoile une réalité contemporaine de la vie dans la magnifique région des Appalaches. Misère sociale, manque d’accès aux soins, facilité d’accès aux opioïdes. Un cocktail dévastateur pour un jeune homme prometteur.

Tant de courage et de résilience face à l’adversité nous accroche au destin de Demon forgé à l’Oxy et l’amitié de Tommy, Maggot et Angus.

Aucun temps mort dans la narration de l’auteure, du concret, du réalisme à outrance mais pas d’overdose, la magie opère, au bout de la route, il y a le bleu océan.


CE QU'IL FAUT DE HAINE de JACQUES SAUSSEY

 

CE QU'IL FAUT DE HAINE

Auteur Jacques SAUSSEY

Aux Editions FLEUVE EDITIONS

Ce matin-là, comme tous les dimanches, Alice Pernelle s’éclipse de la maison de ses parents pour aller courir avec son chien dans la campagne environnante. Mais en arrivant au bord de la Cure, cette rivière qui traverse le village de Pierre-Perthuis, une scène terrible lui coupe les jambes et lui soulève l’estomac. Un corps écartelé entre quatre arbres et grouillant de vers.
Alors que les enquêteurs en charge de l’affaire font d’étranges découvertes lors de l’autopsie et se confrontent à de nombreux témoignages décrivant la victime comme une femme prétentieuse et impitoyable, Alice, elle, est incapable de renouer avec l’insouciance de sa vie étudiante. Hantée par les images de ce cadavre, elle aussi va avoir besoin de réponses pour avancer.


Mon avis :


Dans ce roman de Jacques Saussey, tous les ingrédients d'un thriller digne d'Hitchcock sont réunis.

Une morte trouvée dans un état horrifiant par une jeune étudiante en médecine, de Pierre-Perthuis, petit village bourguignon au bord de la Cure. Des descriptions très cinématographiques, des chapitres courts qui rythment l'intrigue d'un suspense intense, des personnages taiseux, un assassin rongé par la haine, des enquêteurs pugnaces dans un monde où le passé doit rester où il est, derrière soi. On découvre les points de vue d'Alice, des enquêteurs et du meurtrier.

Le monde rural joliment traduit versus la Capitale. La rudesse d'une vie campagnarde qui lutte pour garder sa population face à celle des pratiques des grandes entreprises pour maintenir les profits ? Où la vie d'un meurtrier qui bascule brutalement un jour qui aurait dû être heureux ?

L'auteur nous ballote sans ménagement à travers différentes pistes, nous inflige le coup de grâce à la toute fin avec un twist final qui laisse pantois. Une réussite éclatante.




TEMPO de Martin DUMONT

 

TEMPO

Auteur : Martin Dumont

Aux Editions LES AVRILS - 240 pages

À trente ans, Félix Pogam vit à Belleville avec sa compagne et leur bébé. Le soir, il joue de la guitare dans les bars avec l’espoir tenace de voir sa carrière solo démarrer. Car la gloire, Félix l’a déjà frôlée. Avec ses amis, ils avaient le talent, l’audace, l’osmose. Il y avait la fièvre, l’excitation et l’insouciance. Signature en label, disque et tournée ; leur groupe a décollé puis tout s’est arrêté. Félix, lui, n’a jamais renoncé. D’ailleurs, Marc, son manager, le lui répète sans cesse ; il doit persévérer. Pourtant, arrivé en ce point précis où l’existence l’exige, Félix doit faire un choix : poursuivre encore le rêve ou changer de regard sur sa réalité.



Mon avis


Martin Dumont nous conte l’histoire de Félix Pogam. L’aventure débutée riffs fiévreux accrochés aux guitares de Louis et Alex, Rémi à la batterie, sa voix pour porter le groupe, les festivals. Félix ne se résout pas à faire le deuil du succès. Il ne comprend pas les doutes d’Anna qui doit faire bouillir la marmite pendant qu’il court le cachet.

Entre passé et présent, l'auteur nous livre avec justesse, délicatesse, pudeur, le passage de Félix de l'adolescence à l'âge adulte. Des rêves à sa nouvelle réalité de père de famille, il doit apprendre à se construire un avenir, la musique en filigrane.

L'auteur nous offre un récit fluide, nostalgique, qui nous rappelle que tous ceux qui ont du talent ne sont pas à même de devenir des stars dans leurs domaines, qu'ils prennent simplement plaisir à exercer leur talent pour eux-mêmes est déjà une victoire.


CREATURES DU PETIT PAYS - JUHEA KIM

 

CREATURES DU PETIT PAYS

Auteure JUHEA KIM

Aux Editions Presses de la Cité

Entre Pachinko de Min Jin Lee et La Maison aux esprits d'Isabel Allende, un livre à la fois politique et intime. "
Chicago Review of Books
Dans le Séoul des Années folles, une ville énergique et rebelle qui frémit sous le joug de l'occupation japonaise, jeunes courtisanes, aristocrates, soldats et idéalistes se désirent et se déchirent. Jade la gisaeng aime Hanchol, l'étudiant déclassé. Mais c'est Jungho, le chef de bande orphelin, fils d'un chasseur de tigres, qui se révèle son allié le plus fidèle dans un monde en pleine mutation. La grande Histoire et les monstres tapis dans le coeur des hommes leur imposeront à tous un destin parsemé d'écueils...
Avec cette fresque historique d'une grande finesse, Juhea Kim nous raconte, sur près d'un demi-siècle, l'espoir et les tourments d'un peuple qui lutte pour son indépendance.


Mon avis :


L'auteure conte d'une écriture délicate une saga impossible à quitter de l'enfance de Jade à son crépuscule.

Culture, oppression, idéalisme, amitiés, amours, condition des femmes dans un pays occupé, tout est condensé dans ce récit captivant, qui livre l'Histoire de ce petit pays, trop proche de puissances avides de 1927 à 1962.

Au travers des destins de personnages picaresques Jungho le gosse des rues ou Hancol l'aristocrate déchu, de Luna, Lotus, Jade, petites provinciales, vouées à devenir courtisanes au Pays du matin calme, ruiné et affamé par trois guerres successives, Kim Juhea nous offre un roman passionné.

Véritable invitation au voyage, l'auteure nous raconte un pan d'histoire de son pays de naissance, scindé en deux parties depuis la fin de la seconde guerre mondiale par la Russie et les Etats-Unis. 

Ce roman de 500 pages se dévore avec un appétit tigresque : une pépite.