CELLE QUE VOUS CROYEZ de CAMILLE LAURENS

CELLE QUE VOUS CROYEZ de Camille Laurens
Editions Gallimard - Collection Folio 224 pages

Vous vous appelez Claire, vous avez quarante-huit ans, vous êtes professeur, divorcée. Pour surveiller Jo, votre amant volage, vous créez un faux profil Facebook : vous devenez une jeune femme brune de vingt-quatre ans, célibataire, et cette photo où vous êtes si belle n’est pas la vôtre, hélas. C’est pourtant de ce double fictif que Christophe – pseudo KissChris – va tomber amoureux. 

En un vertigineux jeu de miroirs entre réel et virtuel, Camille Laurens raconte les dangereuses liaisons d’une femme qui ne veut pas renoncer au désir.






MON AVIS :


Celle que vous croyez ! Celle que Chris a envie de croire, lorsqu'elle présente son profil avantageux de jeune brunette de 23 ans. Est-on toujours celle ou celui que l'on donne à voir, ne joue-t-on pas un rôle ?

Camille Laurens nous livre un roman audacieux, dans une construction très originale, à l'heure où les réseaux sociaux tiennent une place prépondérante dans nos vies. Est-ce l'histoire d'une femme jalouse, abandonnée à un âge où les remises en question sont omniprésentes ? Celle de la domination masculine sur le désir et le jeu amoureux ?

En cette période, où les violences faites aux femmes sont devenues une cause à défendre, comment ne pas percevoir la violence inouïe de l'abandon vécue par Claire, la cinquantaine, belle encore, si désemparée lorsque Jo la laisse sans vraiment d'explications. Une descente aux enfers qui la mène à tricher pour comprendre. Un jeu de la séduction par "avatar" interposé qui va la perdre entre réel et virtuel.

La romancière nous délivre les informations concernant Claire sous différentes formes : séances avec son Psy, la lecture d'extraits du roman de Claire, patiente, par le médecin. Ces monologues émaillent le récit et le rendent assez captivant.
Il y a là, une vraie histoire, où le virtuel est un prétexte à réflexion. Un réel suspense. Pourtant on se retrouve avec des tas de questions sans réponses ! Où est la vérité ? Qu'est-ce que l'Amour ? Qui ment ?

Le roman sera adapté au cinéma en 2018. C'est justice, il est très cinématographique. Je n'ai pas résisté à en connaître l'épilogue. il m'a toutefois manqué quelque chose d'indéfinissable pour aimer Claire ou la comprendre.

Il n'en reste pas moins que Camille Laurens impose un roman inventif, sous tension, aux dialogues parfois cruels, sur un thème éculé qui ne laisse pas indifférent. Vous entrez dans ce roman, comme dans le palais des glaces des fêtes foraines, labyrinthe cloisonné et décloisonné à l'envi par l'auteure pour vous perdre !



UNE BONNE INTENTION de Solène BAKOWSKI

UNE BONNE INTENTION de Solène Bakowski
Aux Editions Bragelonne 384 pages


« Tous passeront à côté du sacrifice de l’un, de la confiance aveugle de l’autre, tourneront
le dos à cet amour dingue, car c’est de ça qu’il s’agit, cet amour inconditionnel d’un jeune homme pour une fillette qui écrivait des lettres, cet amour d’une petite fille pour le jeune homme qui savait lui inventer des histoires. »

Mati a neuf ans. Elle a perdu sa maman. Son père s’enlise dans le deuil et sa grand-mère s’efforce, à sa manière, de recoller les morceaux. Un soir, la petite ne rentre pas de l’école.
On imagine le pire, évidemment. Comment croire que tout, pourtant, partait d’une bonne intention ?





MON AVIS : 

Solène Bakowski réalise un thriller envoûtant. j'ai été happée par l'atmosphère angoissante créé autour d'une famille somme toute ordinaire. Ses secrets, ses lâchetés, ses non-dits pour la bonne cause bien sûr : "L'enfer est pavé de bonnes intentions" 

Un couple, un enfant, des grands-parents : le bonheur. L'amour si puissant, d'une femme pour son mari, qu'il va engendrer un vide sidéral dans le coeur de Nicolas, lorsque Karine les quitte pour le Pays Blanc...

"Il n'est pas de hasard
Il est des rendez-vous
Pas de coïncidence
Aller vers son destin, 
l'amour au creux des mains,..."
(Extrait de "Ouverture" chantée par Etienne Daho)"

Mathilde, neuf ans, doit faire face à l'absence de sa Maman, comprendre le chagrin et la colère de son Papa, laisser Éliane, sa grand-mère, s'occuper d'elle. Mais personne ne lui prête réellement d'attention, sauf Magali, la Maîtresse si gentille.

Magali lui "raconte qu'écrire, ça fait fuir la douleur. Que la douleur, elle n'aime pas trop les mots, qu'ils lui font peur à cause du pouvoir qu'ils ont sur les gens et sur les sentiments. Magali, ma maîtresse, elle ajoute que la peine est moins lourde à porter, qu'elle est même toute rabougrie quand on la raconte. C'est comme de la magie." 

Alors Mati se dit que quitte à écrire, elle va confier son chagrin, ses peurs à sa Maman, partie au Pays Blanc. Elle trouvera sur son chemin, ce drôle d'ange, capable de lui apporter les réponses à ses lettres. Tout irrémédiablement en sera changé.

Chaque pièce du puzzle prend place dans ce thriller psychologique où l'on découvre les secrets cachés à ceux qui pourraient en souffrir. 

Belle découverte que ce drame familial intense, l’auteure d'une écriture lumineuse, vous prend en otage, vous ballote au gré des événements... 

Mati et Rémi resteront inoubliables !


PAYS PROVISOIRE de Fanny Tonnelier

PAYS PROVISOIRE de FANNY TONNELIER
250 pages aux Editions ALMA

Amélie Servoz, jeune modiste d’origine savoyarde, n’a pas froid aux yeux. En 1910, elle rallie Saint-Pétersbourg avec, pour seul viatique, l’invitation d’une compatriote à reprendre sa boutique de chapeaux et un guide de la Russie chiné en librairie. Sept ans plus tard, la déliquescence de l’Empire l’oblige à fuir. Le retour, imprévisible et périlleux, lui fera traverser quatre pays, découvrir les bas-côtés de la guerre et rencontrer Friedrich… Fanny Tonnelier qui raconte avec verve et finesse aussi bien le détail des gestes que l’ample vacarme d’une Révolution naissante, s’est inspirée d’un pan d’histoire méconnu : au début du XXe siècle, de nombreuses Françaises partirent travailler en Russie. Fanny Tonnelier, née en 1948, vit à Cunault près d’Angers. Pays provisoire, est son premier roman.



MON AVIS :


Sélection Hiver 2018 des "68 Premières fois", ce livre raconte la vie d'expatriée d'Amélie à Saint-Pétersbourg. Charmante modiste française, trentenaire au caractère bien trempé, venue reprendre la boutique d'une compatriote, Clémence.


1917, sept petites années après avoir développé sa clientèle, Amélie se voit aux prises avec la politique : émeutes, famine, Nicolas II abdique ! Cela ne suffira pas à sauver le commerce d'Amélie, malheureusement.


Il serait facile de vous parler du fabuleux destin d'Amélie Servoz. Il s'agit plus simplement de la destinée d'une jeune femme ambitieuse qui doit tout abandonner pour rentrer en France. Ce n'est pas un échec, elle a rencontré l'Amour avec un beau militaire Nicolas et l'a perdu. Elle a beaucoup appris, elle maîtrise désormais une autre langue et connaît une autre culture.

Elle rencontrera Friedrich durant son périple de retour, mais reprendra seule son voyage au travers de multiples pays : Suède, 
 Écosse, Angleterre, France. Cependant, cet épisode d'amour un peu plus que courtois, plein de promesses est charmant. 


Pourtant, je n'ai pas réussi à être touchée par le romanesque dans ce récit. Il manque quelque chose d'indéfinissable. L'histoire est joliment écrite, il n'est pas possible de l'abandonner... mais le charme slave n'a pas totalement opéré !

Néanmoins, la plume est belle, le roman documenté certes, mais Amélie reste sur le papier très à-plat dans cette peinture de début de siècle... Durant cette période de tensions mondiales, où la guerre se répand, toujours une bonne âme pour assister, porter secours, héberger, c'est un peu trop idyllique, même pour une fiction. 
Amélie ne nous laissera pas son nom, comme Scarlett O'Hara ou d'autres héroïnes, à la volonté inébranlable d''aimer, de rentrer chez elles. Même son amitié avec Joséphine manque de chaleur.


Amélie, pourtant est une créatrice, une passionnée de mode et l'on apprend beaucoup sur les métiers des Arts : Plumassiers, modistes.... devenus rare. Cette part-là du récit est passionnante. Elle redonne leurs lettres de noblesse aux petites mains, au savoir-faire.


L'histoire est originale. On apprend sur les relations Franco-Russes. Sur l'appétence des Russes à apprendre la langue française. Sur les femmes de l'époque bien plus aventureuses qu'on ne l'imagine. C'est un premier roman émaillé de rencontres, de voyages, qui renseigne la vie à cette époque.

Une lecture dépaysante, u
ne auteure à suivre à n'en pas douter !